Voici en ce début de printemps quelques visions du bonheur comme autant de fleurs dans un bouquet. Il est temps de prendre soin de vous, de votre corps mais aussi de votre esprit. Un remède qui nous plaît bien : s’inspirer de philosophies contemporaines. Voici 3 philosophes qui ont tous travaillé sur le thème du bonheur et dont nous avons tiré quelques notions qui peuvent nous rendre la vie meilleure.
Pour aller plus loin et vous imprégner de leurs pensées, allongez vous sur l’herbe avec un bon bouquin !
La philosophie de la joie d’Alexandre Jollien
Alexandre Jollien est né en 1975. Il a passé dix-sept ans dans une institution spécialisée en Suisse. Philosophe de formation, il est l’auteur de Éloge de la faiblesse (Éd. du Cerf, 1999 ; Marabout, 2011), ouvrage couronné par l’Académie française, et au Seuil de Le Métier d’homme (2002), La Construction de soi (2006) et Le Philosophe nu (2010), qui ont été de grands succès.
Vivre dans la joie et dans l’instant
Pour Alexandre Jollien, il est important de se responsabiliser face à notre ressenti, sans nier ce qui ne va pas il faut tenter d’être dans l’action, se rendre acteur de son bonheur :
« Demeurer dans la joie, c’est sans doute se réveiller le matin avec une question : “Qui, quel geste, quelle action va me rendre joyeux aujourd’hui ?” Cela ne nie pas les difficultés du quotidien. Au contraire, cette attitude nous permet de les affronter. Elle empêche la souffrance d’être le centre de notre vie. Loin de la naïveté, il s’agit d’habituer son regard à voir toute la réalité, le positif comme le négatif, le bien comme le mal. Chaque jour, nous nous imposons des responsabilités, des missions, des devoirs, au premier rang desquels celui d’être heureux. »
« A mon sens, c’est lorsque l’on renonce à être heureux à tout prix qu’on le devient. Le véritable hédonisme, ce n’est pas renoncer à être heureux, c’est se libérer de la volonté de l’être. Spinoza me sert de guide : “Bien faire et se tenir en joie.” Pour moi, la morale peut tenir dans ces mots. »
« Notre course au bonheur ne cesse de nous pousser en avant. “Quand j’aurai rencontré la femme de ma vie, je serai heureux” ; “Quand j’aurai changé de boulot…” ; “Quand j’aurai perdu dix kilos…” ; “Quand j’aurai fait ce lifting…”
A attendre notre grand bonheur, on en oublie de regarder les petites joies du quotidien. Hier, je me promenais avec ma fille de 2 ans, en vélo, au bord de l’eau, et je pensais, en pédalant : “Pourvu que mon livre marche.” Tout à coup, Victorine m’a dit : “Regarde, papa, bateau.” J’ai compris qu’elle était totalement dans le présent et que moi, à pédaler sur mon vélo et dans ma tête, j’étais incapable de voir la beauté du paysage. Le bonheur, il est là. »
De nombreuses philosophies le répètent : soyez dans l’ici et maintenant. Avec l’essor des philosophies orientales, c’est même devenu une expression à la mode. Mais le message est souvent galvaudé et devient : “Jouissons dans l’ici et maintenant.” Il peut même devenir une fuite : “A moi, tout et tout de suite.” Au contraire, être véritablement dans l’ici et maintenant, c’est s’ouvrir à ce que nous ressentons. Y compris à la souffrance. Vivre dans le présent, c’est reconnaître que je souffre et me demander ce que je peux faire ici et maintenant pour diminuer cette souffrance. »
(source psychologie.com)
La philosophie de l’altruisme de Matthieu Ricard
Matthieu Ricard, né le 15 février 1946 à Aix-les-Bains, est un docteur en génétique cellulaire, un moine bouddhiste tibétain, un auteur et un photographe. Il est le fils de la peintre française Yahne Le Toumelin et du philosophe, essayiste, journaliste et académicien Jean-François Revel (né Jean-François Ricard), et le neveu de Jacques-Yves Le Toumelin. Il réside actuellement au monastère de Shéchèn au Népal.
Pour Matthieu Ricard, il est grand temps de travailler son rapport à l’autre, s’entraîner à la compassion, privilégier l’entraide contre l’individualisme, le bonheur opposé à l’enrichissement, la compassion face aux égoïsmes… Le moine bouddhiste défend une vision de la société altruiste.
Etre altruiste, un véritable défi !
« C’est notre grand défi par excellence. Il y a un réel épuisement émotionnel, notamment dans les villes où l’on est dépassé par la multiplicité des sollicitations. Certains distinguent l’altruisme «intéressé» de l’altruisme «pur» – lorsqu’on n’attend rien en retour. Intéressé n’est pas un joli mot, la réciprocité naturelle participe à l’harmonie d’une société. Au Népal, on l’a d’ailleurs remarqué à la suite du séisme du 25 avril, la solidarité fait partie du fonctionnement des villages. Dans l’anonymat de capitales gigantesques, l’entraide est beaucoup plus limitée. Mais mettons la main à la pâte, Aristote disait :«On devient vertueux en pratiquant la vertu.» »
S’entraîner à la compassion.
« On devrait s’y entraîner depuis tout petit à l’école laïque ! Dans des milieux très difficiles, on peut changer considérablement le comportement des enfants, en les faisant participer à des jeux coopératifs, prendre conscience des émotions des autres, les meilleurs élèves aident les moins bons, ils font des exercices de respiration, etc. En dix semaines, les discriminations s’estompent, c’est assez extraordinaire. Les sciences contemplatives et les neurosciences montrent que si vous faites un exercice de quinze minutes tous les jours pendant un mois, votre cerveau et votre système immunitaire changent fonctionnellement et structurellement. On peut entraîner les gens à des choses éthiquement douteuses, tuer par exemple. De la même façon, on peut entraîner à l’ouverture à l’autre, la patience, la force d’âme, l’équilibre émotionnel… Il s’agit de pratiquer, comme pour la lecture : c’est le b.a.-ba ! »
(source liberation.fr)
La philosophie du sage et de la vérité d’André Compte-Sponville
Philosophe et enseignant français, né en 1952, André Comte-Sponville est l’auteur de nombreux ouvrages qui, par leur clarté et leur pédagogie, mettent la philosophie à la portée de tous. Philosophe humaniste, il a remis la recherche de la sagesse au goût du jour et a écrit sur beaucoup des thèmes classiques traités par les philosophes antiques ou des siècles passés, y compris sur la philosophie politique. Dans la « Sagesse des modernes », ouvrage co-signé avec Luc Ferry, les deux philosophes confrontent leurs visions respectives sur des thèmes fondamentaux comme la quête de sens, la liberté, la sagesse…
Cesser d’espérer, accepter le réel, aimer la vie telle qu’elle est, pratiquer la philosophie, voici selon André Compte-Sponville quelques ingrédients pour être heureux.Il s’agit de désirer le réel, de s’abandonner à la vérité de la vie et même si cela est difficile de ne pas être dans l’illusion.
La philosophie renforce le goût de vivre
La philosophie n’a pas supprimé toute amertume de ma vie, c’est impossible, mais elle m’a aidé à la déguster mieux. C’est son but. La sagesse, ce n’est pas d’aimer le bonheur – pas besoin de philosopher pour cela ! –, mais d’aimer la vie telle qu’elle est, heureuse ou malheureuse, amère ou douce, et d’autant plus précieuse qu’elle est fragile. »
« Le bonheur est le but de la philosophie. Ou plus exactement, le but de la philosophie est la sagesse, donc le bonheur – puisque encore une fois, l’une des idées les mieux avérées dans toute la tradition philosophique, et spécialement dans la tradition grecque, c’est que la sagesse se reconnaît au bonheur, ou du moins à un certain type de bonheur.
Parce que si le sage est heureux, ce n’est pas n’importe comment ni à n’importe quel prix. Si la sagesse est un bonheur, ce n’est pas n’importe quel bonheur! Ce n’est pas par exemple un bonheur qui serait obtenu à coup de drogues, d’illusions ou de divertissements. »
Ne pas se mentir.
« L’essentiel, c’est de ne pas mentir, et d’abord de ne pas se mentir. Ne pas se mentir sur la vie, sur nous-mêmes, sur le bonheur.»
« Mieux vaut une vraie tristesse qu’une fausse joie. Simplement, une fois que vous êtes face à une idée qui vous paraît vraie, le but du philosophe, comme de tout homme, c’est d’essayer d’en faire un bonheur. »
Le bonheur désespérément: une sagesse du désespoir, du bonheur et de l’amour. Le désespoir, pour lui, est tout simplement une absence d’espoirs. Il appelle même cela un gai désespoir. Ce n’est pas quelque chose de malheureux. Pour Comte-Sponville, il faut être moins dépendant de l’espoir, parce qu’il est impossible d’être heureux en espérant, l’espoir vient toujours avec la crainte. Donc, le sage n’a plus d’espoir, il est dans un état de béatitude (bonheur suprême). La façon d’être heureux pour André Comte-Sponville est d’apprendre à désirer ce qui dépend de nous (vouloir et agir) et ce qui est. Il faut seulement cesser d’espérer le bonheur pour l’atteindre. Le bonheur n’est pas un absolu.
(Source: COMTE-SPONVILLE, André. Le bonheur, désespérément, Paris, Pleins Feux)
A lire :
- PETIT TRAITÉ DE L’ABANDON éditions du Seuil d’Alexandre Jollien
- PLAIDOYER POUR LE BONHEUR NIL éditions de Matthieu Ricard
- LE BONHEUR, DÉSESPÉRÉMENT éditions Librio d’André Comte-Sponville
Nora Alins